Dans les dernières semaines, qui suivent le dépôt de mon mémoire, j’ai pu passer du temps en Abitibi et dans les Laurentides histoire de profiter de ma famille et des magnifiques couleurs automnales. L’idée d’écrire ce petit texte m’est venue alors que je contemplais les huit heures de paysage qui séparaient la ville des tous ces villages pittoresques, où les seules résurgences de mon urbanité montréalaise se retrouvait dans les Tim Horton’s qui pavent la 15 et la 117. Je pensais au changement qui se faisait en moi sans que je m’en rende compte; comme quoi le simple fait de quitter la ville m’emmenait ailleurs physiquement, mais surtout mentalement.
Partir de la ville est souvent un exercice stressant : non seulement faut-il effectuer les préparatifs nécessaires, mais il faut mettre en veille la nébuleuse d’idées qui nous tient aux pas de la ville. À tous les coups, je pars avec trop de travaux, trop de livres, voire trop d’idées, qui vont tranquillement se dissiper à mesure que je m’accorde au diapason changeant de la ruralité.
Le véritable coup d’envoi se fait le soir, vers neuf ou dix heures : c’est le coup de fatigue qui survient anormalement tôt et surtout sans s’y attendre. La nuit passe rapidement et lorsque je me réveille le lendemain, il est beaucoup plus tard que je le pensais et pourtant, j’aurais bien dormi deux-trois heures de plus. Est-ce l’air de la campagne qui fait son effet? Est-ce une fatigue que je cumulais depuis un moment et qui a profitée de l’occasion pour sortir?
Par la suite, je décroche. Et c’est plus fort que moi. C’est alors le temps d’en profiter pour aller me promener dans le bois et faire glisser mes pieds dans les feuilles d’érables qui commencent tout juste à tapisser le sol d’orange et de rouge. En plus de me donner l’impression de flotter, le mouvement des feuilles séchées dégagent cette odeur particulière qui me rappelle à quel point j’adore l’automne : légère et sèche, juste avant que la pluie se mêle de la partie et qu’elle laisse place à une odeur de pourriture.
À tout coup, j’ai l’impression de revenir à quelque chose de plus simple : mes méninges travaillent, certes, mais se concentrent maintenant sur quelque chose qui se trouve plus près de moi, de plus organique, de plus beau. Pour couronner le tout, je suis allé voir une conférence de Serge Bouchard dans le petit village d’Huberdeau, où il parlait de l’histoire du développement de la région. Bouchard, c’est un auteur (et anthropologue) dont j’ai dévoré les textes lorsque j’étais en campagne : d’une simplicité, mais aussi d’une grande profondeur lorsqu’il décrit la quotidienneté. Pourtant, je n’ai jamais eu le réflexe d’ouvrir un de ses livres alors que j’étais à Montréal, comme si ce qu’il disait se trouvait loin de moi.
J’adore le voyage de retour vers Montréal. Non pas parce que j’ai hâte de retourner au bercail, mais parce qu’inconsciemment, je saisis chaque minute de ce trajet pour me recueillir et réfléchir sur tout ce que cet interstice dans mon rythme urbain stressé a pu m’apporter. Je réfléchis à toutes ces choses simples dont je parlais plus haut, c’est un véritable moment de détente. Lorsque je ne me réveille pas soudainement tout près du métropolitain à Montréal, je vois progressivement le nombre de lumières augmenter, le nombre de voitures, de maisons, …
Le lendemain matin, ces pensées s’émancipent. C’est le retour à ce que je m’oblige d’appeler la normalité, auprès de la faune urbaine dans laquelle je tente tant bien que mal de me dissimuler. C’est une tout autre réalité qui s’éveille; stressante, certes, mais qui me pousse à me dépasser.